lundi 4 août 2008

L’Arbre migrateur et autres fables à contretemps… (2005-2010)

Ce recueil a vu le jour en juin 2005, aux éditions Parangon. Il comprend une dizaine de récits à portée symbolique, auxquels le nom de fables convient mieux que celui de nouvelles. Au risque de « vendre la peau de l’ours », j’ose ajouter « 2010 » comme date de publication, en anticipant sur une possible réédition qui serait alors largement augmentée… (N.B. Précision que j'apporte ce 27 juillet 2009 : le livre a pu reparaître, augmenté de cinq fables, pour le festival d'Avignon 2009!)

Genèse. J’ai écrit ces histoires au fil des ans, depuis un quart de siècle, chaque fois que m’en venait « l’inspiration » et que j’avais le loisir d’en mûrir la facture. Il se trouve que, quelle que soit la date de leur écriture, elles ont en commun d’être, si l’on veut, « des anticorps de l’époque au cœur de l’époque ». C’est ce qui leur donne l’unité qui fait d’un livre une « œuvre », et m’a conduit à en proposer la publication à divers éditeurs qui, soit n’en comprenaient pas le sens, soit doutaient de ses chances « commerciales »… jusqu’au jour où mes amis de Parangon ont été séduits par le projet, et par la présentation que voici :

« Quiconque s’embarque aveuglément dans son époque se trouve parfois projeté aux antipodes.
Un épargnant désireux de palper son fric s’égare dans Paris en distribuant des centaines d’euros. Un téléphile dont l’écran tombe en panne s’invente devant son poste éteint des spectacles virtuels qui le transportent au septième ciel. Un conducteur ne parvient plus à sortir du périphérique, par peur de déserter l’Humanité en marche. Des publicitaires, payés pour barbouiller de slogans les rochers et les arbres, rencontrent Dieu dans le désert, et changent d’employeur. Un buveur de soda s’éprend d’une bouteille-vampire. Quant à l’Arbre migrateur…
Autant de folles fictions, tantôt tragiques, tantôt hilarantes, qui s’inscrivent dans la logique autodestructrice de notre temps »

Réception du livre. Si l’on considère que le genre de la nouvelle « se vend mal », je n’ai pas trop à me plaindre de la situation des stocks... bien qu’on puisse espérer mieux ! Mais c’est surtout la qualité de mes lecteurs (qui, eux, ont compris mes intentions !) qui m’a été une grande joie, et m’a encouragé à composer un certain nombre d’autres fables dont j’avais le projet dans mes tiroirs (dont l’une, « La prise de la pastille », vient de paraître le 14 juillet dans la revue Le Sarkophage).
Je voudrais dire aussi que j’ai rencontré un jeune acteur – Jean-Luc Boucherot – qui s’est mis à conter avec succès l’histoire de « L’Arbre migrateur » auprès de divers publics, si bien qu’ayant appris cette fable par cœur, il en connaît maintenant mieux le texte que moi ! Il n’est pas impossible qu’il monte un spectacle consacré à plusieurs de ces contes. C’est sans doute la promesse d’une aube nouvelle...
Il va de soi que je n’ai pas grand’chose à ajouter à cette présentation, c’est au lecteur maintenant de lire et de juger sur pièce(s). Pour l’aider dans cette délicate tâche, je me permets de publier ici la première de mes fables :



" CONNEXION



Le galbe de la bouteille appelait la caresse de la main. Une paille extra-fine s’offrait aux lèvres du passant, promesse paradisiaque d’un élixir inconnu.

Glenn s’approcha, mû par le désir.


Drink life. Le message, sculpté dans le verre opaque, semblait avoir pour encre l’épaisse couleur sanguine du fruité. On buvait déjà la vie en le buvant des yeux.

Glenn saisit le flacon, qui épousa aussitôt la paume de sa main. Une chaleureuse fraîcheur l’envahit ; il pressa de ses lèvres la paille hyper-tonique, ressentit le doux scellement d’un contact profond, et puis ce fut le lent, l’irréversible ravissement si longtemps désiré.

Inutile d’aspirer : la boisson coulait d’elle-même dans sa gorge, l’imprégnant de ses essences fruitées.

Inutile même d’avaler : on était traversé sans effort par un flux sans fin de bonheur liquide.


Au bout de quelques secondes, Glenn éprouva l’étrange joie de sentir qu’il ne sentait plus. Le poids de l’existence disparaissait en même temps que la fatigue du chemin. La puissance euphorisante du breuvage lui donnait l’ineffable sensation de s’alléger à jamais de sa lourde substance corporelle, de s’élever dans le monde, de devenir le monde.

Et la bouteille ne désemplissait pas ! Au creux de sa main, au cœur de sa vie, elle était devenue la compagne d’un transport infini, la complice d’une soirée éternelle. Elle fondait en lui, il fondait en elle, dans une communication extatique qui ne devait plus jamais finir...


Quand on retrouva Glenn endormi dans le froid de la mort, certains s’étonnèrent que son corps fût exsangue.


Le flacon se dressait tout près de lui, pétillant de santé, la paille offerte aux lèvres du suivant. "

F.B.

1 commentaire:

hugo.charbit@veja.fr a dit…

Bonjour,
Nous organisations une série de conférences-débats sur des thématiques d’actualité.
La première conférence sera « la publicité pollue-t-elle l’économie ? » le 30 juin à Paris.

Nous souhaitons organiser la discussion à partir d’opinions divergentes, sans tomber dans une polémique stérile.
Nous avons déjà convié les représentants d’une agence publicitaire, d’un média et du courant des désobéissants. Nous aimerions bénéficier de votre point de vue plus théorique/ idéologique, dans le but d’ouvrir une véritable réflexion sur le sens de l’action publicitaire (ou plutôt son absence).

Ce projet est totalement déconnecté de la marque Veja elle-même (nous fabriquons et distribuons des baskets de manière un peu différente). Et il n’a aucun lien avec toute logique marchande.

J’aurais souhaité en discuter avec vous.
Bien à vous,
Hugo CHARBIT