mardi 12 mai 2009

La Complainte de l’Arbre migrateur

Comme je l’avais annoncé dans la présentation de mon recueil, l’acteur Jean-Luc Boucherot est parvenu à son objectif : raconter sur scène l’histoire de « L’ Arbre migrateur » (voir le billet du mois d'Août 2008 à propos de ce recueil et de cette fable). Le Théâtre des Corps Saints l’a accueilli au cours du festival d’Avignon, du 8 au 31 juillet 2009 (cf. l’affiche ci-contre, un vrai vitrail !). À cette occasion, le livre a pu être réédité, avec cinq fables nouvelles. Dans la foulée, j’ai composé (en alexandrins pas trop académiques) cette complainte qui chante l’odyssée du migrateur :

Complainte de l’Arbre migrateur

Je suis l’Arbre exilé aux racines qui saignent,
En partance éternelle sur l’asphalte sans fin.
Je suis l’Arbre en exil aux racines coupées
Qui erre sans refuge loin des terres quittées !


Dans la forêt natale où la Nature me mit,
Je respirais les fleurs et je portais mes fruits.
Lors, la Rumeur passa, et me dit : « Mon ami,
Tu vas moisir ici ! Fuis ce lieu de misère,
Adapte ton profil au style é-co-lo-gique :
Toute la Ville attend ta verdure au-then-tique. »
Flatté de l’espoir fier de vivre avec mon temps,
Je dis Adieu au Père, d’un grand signe dans le vent.


Je partis pour la ville, pour les bruits, pour l’enfer,
Dans un square en béton qui desséchait les airs !
Avec pour seul ami, le soir, le Réverbère,
Je voulus espérer, je crus bon de souffrir...
Un ciel sans horizon m’empêchait de rêver ;
Mon corps n’était plus fier de ses feuilles chétives ;
Je devenais moi-même à moi-même Étranger…
Et les ans se passaient, m’ennuyant à mourir.


Alors, sauvant ma Vie, j’ai tenté de m’enfuir,
De retrouver ma sève, et ma terre, et mes frères !
J’ai franchi, trébuché, j’ai peiné sur les routes,
Partout me poursuivaient les grilles de la mort !
Et quand j’ai cru gravir les pentes du pays,
Renaître à l’air natal, sourire aux branches en fleurs,
Entendre me parler la source qui demeure…
Un orage de fer m’a transpercé le cœur !


Je suis l’Arbre en exil aux racines coupées,
L’éternel migrateur dans la boue des chemins.
Je suis l’Arbre en souffrance au feuillage flétri,
Qui erre sans repos loin du gîte effacé.
Je suis l’Arbre oublié, qui, hélas ! se souvient,
Le pays que l’on quitte en silence nous fuit...
Je suis l’Arbre blessé qui ne reviendra plus,
On ne retourne pas au Paradis perdu !

F. B.

Note. L'indication commentaires étant absente ci-dessous, on peut
déposer un message au bas du billet du 4 août 2008, qui présente
le recueil L'Arbre migrateur, et autres fables à contretemps...