jeudi 31 juillet 2008

De l’Idéologie, aujourd’hui (2004-2005)



Sous-titré Analyses, parfois désobligeantes, du « discours » médiatico-publicitaire, ce livre a vu le jour aux éditions Parangon en février 2004. La nouvelle édition, augmentée d’une cinquantaine de pages, a suivi en octobre 2005.

■ Genèse et circonstances. Il m’est enfin arrivé un beau jour une chose étrange : un éditeur m’a commandé un livre ! Je venais de faire une intervention intitulée « Pour une société de frugalité », au colloque qui eut lieu à Lyon fin septembre 2003, sur le thème « objectif décroissance ». C’est alors que Bernard Delifer, des éditions Parangon, m’aborde et me déclare : « On aimerait publier un “François Brune” ». Pris de court, je réponds : « Mais… j’ai déjà tout dit ! » Il me semblait en effet que mes précédents essais, et la bonne douzaine d’articles de fond que j’avais publiés depuis dans Le Monde diplomatique, Casseurs de pub et diverses revues, avaient en quelque sorte épuisé ma veine. Que dire d’autre, sans tomber dans la fâcheuse pratique du « copier-coller » ? J’avais pourtant écrit un jour « La merveilleuse chance de la littérature, c’est qu’il n’y a pas seulement des choses à dire : il y en a surtout à répéter. » J’étais pris au mot !

À vrai dire, deux décennies d’alternance entre des livres engendrant des articles, et des articles débouchant sur des livres, m’inclinèrent à penser qu’il était peut-être temps pour moi de faire une nouvelle synthèse de mon propos. Certaines de mes interventions m’avaient conduit à approfondir, à partir d’exemples nouveaux, des points insuffisamment développés dans mes livres. J’appréhendais de mieux en mieux la réalité de l’omniprésence d’une même idéologie, à travers les multiples manifestations du discours socio-politique. Cela m’avait justement conduit à écrire pour le Monde diplomatique un article intitulé : « De l’idéologie, aujourd’hui ». Je repris donc ce titre, avec son éclairage, pour constituer non pas un simple recueil d’articles, mais un nouvel ouvrage ayant sa visée spécifique. Et me suis mis au travail, en revisitant et remaniant les textes que j’avais déjà publiés, et en en ajoutant de nouveaux (cf. les Chapitres : « Le Verbe à la radio », « Une éthique de la manipulation ? », « Ces événements qui n’existent pas », « Pensée unique et dogmatisation du réel »).

■ Un phase très militante. La publication de ce livre, le lancement de la revue La Décroissance, les manifestations « anti-pub » de 2004, les articles et interventions que je fus amené à faire en la circonstance, sans parler de certains « événements » fertiles en « discours dominant » (la mort du Pape, le tsunami, le faux attentat du RER D, le référendum sur le Traité Constitutionnel Européen), firent de ces années pour moi une phase d’écriture militante. Avec toujours cette double sensation : le bonheur de s’engager par des écrits qui marquent / la lassitude de se perdre dans de simples textes « de circonstance »…
Comme, dans la foulée, j’ai publié deux autres livres chez Parangon (Médiatiquement correct ! et L’Arbre migrateur, voir plus loin), et que ceux-ci ne soulevèrent pas l’enthousiasme des foules, j’avoue qu’en 2006 j’éprouvais une certaine fatigue d’auteur militant (fatigue due aussi au travail de révision que je venais d accomplir sur L’Intelligence de l’explication de texte, ouvrage signé « Bruno Hongre », que les éditions Ellipses m’avaient fait l’honneur de re-publier).

■ Textes et prétextes. Cette « fatigue militante » est sans doute l’occasion d’évoquer, en dehors même des articles où l’on vous demande de répéter vos thèses, la servitude que représentent les interventions orales qui font désormais partie du « métier d’auteur ». Il se trouve que, durant ces 7-8 dernières années, j’ai largement dépassé la centaine de conférences, « interviews » de fond, interventions dans des débats, etc. Au point d’avoir parfois l’impression que les textes que l’on a éprouvé le besoin d’écrire ne sont plus, aujourd’hui, que des prétextes à l’injonction de parler… Entendons-nous :
- D’une part, tout auteur responsable doit répondre de ce qu’il écrit. Publier, c’est aller au public. Il n’est pas bon que la communication ait lieu à sens unique, et qu’un écrivain – notamment un essayiste – prétende se dérober au « devoir d’échange », quelle que soit l’importance des publics. Et ceci, indépendamment de toute promotion commerciale, même s’il est difficile aux auteurs de n’y pas penser en se rasant… Ces échanges sont le plus souvent fructueux, ils peuvent déclencher des prises de conscience précieuses, et il est vrai que l’orateur peut ajouter à son message la chaleur de sa présence ou la valeur de son témoignage, non sans atténuer, préciser, compléter ou renforcer son propos. Encore faut-il que la « vie » du débat ou le « brio » de la conférence ne se substituent pas à la profondeur de l’analyse, à la spécificité de l’écrit.
- D’autre part, en effet, rien ne peut remplacer le texte. Sauf à lire ce qu’on a écrit, lorsqu’on intervient comme orateur, on est nécessairement plus imprécis, plus approximatif. Que la parole tente de séduire (par l’humour) ou de mobiliser (par la diatribe), elle n’a pas la pertinence de l’écrit. Lorsque l’on est invité à parler dans des milieux militants, on a parfois le sentiment d’être appelé à renforcer des préjugés critiques plutôt qu’à contribuer à des réflexions de fond. On s’imagine que l’on vient débattre d’un texte supposé déjà lu, alors qu’on attend de vous un résumé qui dispense de le lire. Si bien qu’en consacrant l’empire de l’audiovisuel, on se fait « consommer » en tant qu’intervenant-prétexte, alors qu’on croyait « donner à penser » à partir d’écrits longuement médités... Et le public (complice ?) méconnaît le livre au moment même où il vient écouter l’écrivain !
On comprend que ces impressions puissent engendrer une certaine lassitude. Il est temps de revenir à l'acte d'écrire...
F.B.

1 commentaire:

Jean-François Devaux a dit…

Le texte intégral de De l'Idéologie aujourd'hui tel qu’il est paru il y a dix ans, avec un minimum de corrections et l’ajout de quelques notes, a été mis en ligne sur le site des Editions de Beaugies. On peut le télécharger à l'adresse : www.editionsdebeaugies.org/delideologie-integral.php?or=blog.