● Point de
départ.
Une nuit,
il y a 25 ans, j’ai fait un rêve comme nous en faisons tous : je me retrouvais vingt-sept
ans plus tôt, en pension, dans le corps de mes 15 ans, avec toute ma conscience
d’adulte. Je disais à l’avenant : « Je suis ici quelqu’un venu
prendre des mesures ». J’ignorais, au réveil, comment les choses
s’étaient terminées, mais il m’en restait de très vives sensations. À force de
se dire que « la vie est un songe », on oublie que le
« songe » peut avoir l’intensité de la vie… ce qui ne laisse personne
indifférent.
Je n’étais
pas le premier à « revivre » en rêve ce type de situations qui
semblent sans issue, alors qu’on en est très bien sorti dans la réalité. Je
savais que le thème de la translation dans le temps avait fait l’objet de nombreux
romans ou films de science-fiction. C'est dans le traitement du sujet que pouvait être l'originalité. J’ai donc hésité quelques semaines, en
prenant des notes. Puis mes intentions se sont précisées...
● Genèse et « intentions de
l’auteur ». Ce rêve s’étant saisi de moi, j’ai trouvé judicieux
de m’en emparer à mon tour : le prendre au sérieux, entreprendre un
récit qui lui donnait sens, ressaisir les atmosphères étranges que j’y avais
éprouvées, interroger le mystère du Temps que nous traversons et qui nous
traverse. Quelle étrange faculté, en effet, que celle de « se
souvenir » ! Qui n’a jamais éprouvé le plaisir étrange de rappeler
à soi des moments anciens pourtant très douloureux ? Quelle
bizarrerie ! Où cela mène-t-il ? Et si c’était, à l’inverse, le Passé
qui nous rappelait ? La vie vaudrait-elle la peine… d’être
revécue ?
Sur ce fond d’interrogations
troublantes, j’ai donc composé une sorte de délire cohérent, en adoptant – pour
le rendre crédible – le ton de l’autobiographie. Je disposais d’éléments
suffisants, en moi et autour de moi, pour étoffer ce projet (anecdotes
personnelles, situations vécues en commun, et autres témoignages des années
1950). Rédiger le manuscrit m’a pris quelques mois, d’avril 1988 à mai 1989.
J’ai osé un certain lyrisme. Un « style d’autrefois » me paraissait
devoir convenir au récit d’une histoire de jadis. Et c’est sans doute ce
qui a motivé, je pense, le refus des éditeurs…
J’ai alors laissé reposer mon
texte, je l’ai repris et mis au point il y a une dizaine d’années. Et le voici
aujourd’hui, dans une forme qui me paraît aboutie, compte tenu de ce que j’ai
« voulu dire ». Aux lecteurs d’estimer si ce récit leur parle…
● Un récit autobiographique ?
Je viens d’employer l’expression « le ton de
l’autobiographie ». C'est qu'il faut toujours distinguer le « moi »
de l’auteur de celui d’un personnage de fiction que l’on fait parler à la
première personne. Formellement, l’emploi du « je », lié aux
notations de lieux, de temps, et d’autres indices, sert à « faire
croire » à la réalité effective du récit, mais ne renvoie nullement à la
personne de l’auteur. Ce livre est un court roman, non une
« confession ». J’ai naturellement puisé dans « ma » vie
pour constituer celle du « héros », pour authentifier son histoire à
l’aide de faits réels ou de traits psychologiques plausibles, mais j’ai
beaucoup arrangé, emprunté, inventé pour le faire « exister ».
L’objectif du romancier est toujours de rendre le personnage à la fois autonome
(indépendant de son auteur) et suffisamment proche de la vie des autres pour
que chaque lecteur puisse, peu ou prou, se retrouver en lui. C’est ainsi qu’au
fil de l’écriture, il est fréquent que la logique du récit dicte à l’auteur ce
qu’il n’avait pas prévu d’écrire, y compris des émotions ou réflexions prêtées
à son personnage, et qu’il ne partage pas !
FBH.
N.B. Il
pourrait être tentant d’appliquer le vocable d’autofiction à la nature
de ce livre, puisque l’auteur semble y « essayer » son moi réel en le
transportant dans une aventure irréelle. Mais je ne pense pas que le terme soit
ici pertinent. L’autofiction répond en effet, pour celui qui l’écrit, au
désir de « se » projeter dans une fiction pour s’expliquer son
moi : elle demeure égocentrée. Dans le cas du Rappel, la finalité
est inverse. Celui qui tient la plume ne fait qu’utiliser le matériau
biographique pour étayer la fiction, afin que le lecteur puisse s’identifier,
se remémorer des émotions oubliées, et s’interroger sur les strates des temps
qu’il a pu vivre lui-même. C’est une allo-fiction… Il est conduit à se
dire : « Comment réagirais-je si j’étais replacé dans une telle
situation ? »
1 commentaire:
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