vendredi 11 octobre 2019

Molière est revenu... et reparti




J'ai regroupé ce septembre 1979, et fait paraître aussitôt une sélection de mes chroniques parues dans la rubrique "Les jeudis du Songeur" (depuis 4 ans), sur le site des éditions de Beaugies. Ce livre a pour titre l'une de mes publications , à savoir:

La Deuxième Mort de Molière

Vous pouvez y aller voir, et commander ce nouveau livre,  si le cœur vous en dit.   Il fait suite au premier recueil La Larme de Rubinstein (2015).  J'y projette loyalement ma personne, mes "inspirations" et mon modeste "univers intérieur"... 

mercredi 14 janvier 2015

Le Cérébro-Scripteur (Éditions de Beaugies)


Voici la « Quatrième de couverture » présentant ce livre :

« L’Odyssée d’une invention, objet magique ou arme fatale

Un écrivain qui rêve, au fond de son lit, d’imprimer ses pensées à distance…
Un génial polytechnicien qui invente l'appareil opérant cette transcription sans effort…
Le Monde prêt à vivre le bonheur d'une télépathie universelle qui met chacun à la portée de tous…
L'Homo sapiens technologicus va-t-il saisir la chance de parvenir à la Paix suprême par la communication totale ? »

L’invention en question est le « Cérébro-scripteur », dont le fonctionnement est décrit dans la chronique. Comme l’indique la présentation, il y avait longtemps que j’avais ce rêve, tout en en percevant les dangers. Ce qui m’a déterminé à entreprendre le récit, c’est l’envie que nous avions de publier un feuilleton, l’été dernier, sur le site des Éditions de Beaugies. Une raison, donc, circonstancielle, que je pense avoir menée à bien.
J’avais à la fois le désir de capter le lecteur par l’utopie d’un objet qui pourrait bien un jour se réaliser, et l’intention de brosser un tableau satirique des effets sociopolitiques qui en découleraient. Il s’est donc agi, à proprement parler, d’une « pochade » : « Œuvre littéraire écrite rapidement, souvent sur un ton burlesque » (Le Robert).
Ce n’est pas une œuvre majeure (elle fait tout de même 130 pages). Je l’ai sciemment écrite dans le ton des Mémoires d’un futur Président (dont je reprends quelques personnages). La publication ayant été suivie et appréciée par une quarantaine de personnes, j’ai cru bon d’éditer l’ouvrage en octobre dernier (2014). Naturellement, son succès a les limites mêmes de mon réseau de lecteurs fidèles. Il ne lui manque plus qu’une large diffusion dans le public, ce que nous n’avons pas les moyens d’opérer. Le livre reste en tout cas disponible...
F. B.

mardi 5 novembre 2013

L’INSCRIPTION DE BENJAMIN (Éditions de Beaugies)



Ce livre, qui paraît enfin aux Éditions de Beaugies, est sans doute celui dans lequel je me suis le plus investi. Je viens ici compléter la présentation qui figure au dos de la couverture, fatalement restreinte, en apportant quelques précisions sur ce que j’ai voulu faire.
Descriptif
L’Inscription de Benjamin se présente comme un dialogue, au sujet d’un roman qui porte ce même titre. Il y a, certes, une « histoire » de Benjamin dont un certain nombre de situations, plus ou moins « romanesques », plus ou moins « banales », seront esquissées. Mais on ne sait rien de ce livre et de son héros en dehors des échanges des deux protagonistes qui y renvoient.
Ces deux interlocuteurs sont mis en scène dans le prologue. Ils se sont rencontrés au Quartier latin.
L’un d'eux, personnage central, est Pierre-Jean Philippe, critique éminent, fasciné par L’Inscription de Benjamin, qu’il vient de dénicher dans des circonstances qu’il juge mystérieuses. Sans être le « narrateur » du roman, il a un tel besoin d’en parler qu’il en retrace quelques épisodes, comme on commenterait une suite de diapositives, citant même parfois, de mémoire, quelques extraits. Ces évocations des moments supposés « vécus » par Benjamin sont retranscrites en italiques.
L’autre personnage, celui qui dit « je », est à la fois un contradicteur qui ne s’en laisse pas conter, et le témoin « objectif » qui nous rapporte les propos tenus au cours de ce dialogue animé. Il représente, si l’on veut, « François Brune » jouant, l’espace d’un soir, l’ami (fictif) qui écoute plus ou moins patiemment Pierre-Jean Philippe, et le pousse dans ses retranchements. La partie dialoguée de cet échange est reproduite en caractères romains, en alternance avec les évocations (en italiques) de la « quête » de Benjamin.
Au fil des pages de cette narration dialoguée, l’évocation du héros, d’abord abstraite, va s’étoffer jusqu’à faire de « Benjamin » une figure mythique, dont le regard qui vous sonde et l’empathie qui vous comprend, ne doivent laisser personne indifférent. En même temps, la question « Qui est Benjamin ?  » s’enrichit de l’autre question : « Mais qui est donc Pierre-Jean Philippe, pour plaider si fort la cause de Benjamin ? ». Et ces questions n’auront bien sûr, dans le livre, que des semi-réponses… conduisant chacun à se les poser à son tour.
En vérité, l’ensemble de l’œuvre nous renvoie à une double méditation, sur le mystère de l’Existence et sur le « réel » de la Littérature, qui se trouvent si étroitement liées dans ce mot si banal et pourtant si étrange : l’inscription.
Éclaircissements
Formellement, ce texte tente de renouer avec la tradition des dialogues classiques, et je pensais évidemment à Diderot lorsque je l’ai écrit. Certains de mes lecteurs y ont décelé aussi l’influence (la « voix ») du héros de La Chute de Camus, bien que je n’en aie pas eu conscience. Mais si j’ai pris ce parti formel, c’est d’abord parce que le sujet même du livre, l’évocation de Benjamin, personnage imaginaire, incertain de ce qu’il est, passionné de tout être, trop innocent pour sembler viable, rendait tout à fait problématique son « inscription » dans notre monde… y compris sous forme romanesque !
Puisque je ne pouvais pas le « raconter » en suivant les canons du roman réaliste, j’ai été conduit à le faire « exister »… par la parole – méditative – et, plus précisément, par le dialogue, qui a l’avantage d’être contradictoire. Cette « clef » de la structure du livre est d’ailleurs suggérée au lecteur (p. 191) : « Benjamin était trop idéal pour être. Semblable aux pures Idées de Platon, il ne pouvait être contemplé que dans le reflet de ce qu’on eût pu dire de lui ».
En cela, j’étais d’ailleurs encouragé par ma propre expérience de lecteur. À l’époque où l’on glorifiait le « nouveau roman » (dans les années 1960), j’avais remarqué que les commentaires de ces ouvrages étaient aussi passionnants que leur lecture pouvait être fastidieuse. D’où la question : ne peut-on pas faire l’économie de cette lecture ? Faire un bon livre qui serait le commentaire d’un roman qu’on ne trouve plus ? Faire le « profil d’une œuvre » d’une œuvre inexistante… qui laisserait cependant dans notre imaginaire un souvenir aussi impérissable qu’un grand roman traditionnel en bonne et due forme ?
Mais pour moi, ce parti pris formel ne devait pas être un simple exercice de style. Il fallait que la nature du sujet ou du « héros » mis en scène lui convienne, ou même l’exige. Par exemple, évoquer un personnage qui demeure « vivant » en nous, quand bien même son « inscription » se serait effacée... Et c’est précisément ce choix qui s’est finalement imposé à moi et m’a dicté la structure du livre, une fois que j’en ai eu le projet, mais après bien des tâtonnements.
Un mot encore sur le personnage de « Benjamin », qui est en effet « le » sujet du livre. S’il me tient à cœur et cristallise pour moi bien des interrogations, il n’est pas le fruit d’une génération spontanée : il s’inspire de toute une lignée de personnages lunaires, « candides », « innocents », plus ou moins désabusés ou victimes de l’existence, qui peuplent la littérature. Je ne suis pas le premier à avoir eu l’expérience de cette « naïveté originelle » qui s’ouvre au monde sans arrière-pensée, qui en éprouve des joies sublimes, mais qui se trouve aussi amèrement déçue, désillusionnée, trompée dans sa confiance native… avant de faire à nouveau acte d’espérance en la vie. Parmi les « héros » de cette lignée, je dois faire mention – suprêmement – de « L’Idiot » de Dostoïevski, tel qu’il fut incarné par Philippe Avron au Théâtre de l’Atelier, il y a une quarantaine d’années. Raison pour laquelle j’ai dédié ce livre à sa mémoire…
F. B.

P.-S. Pour la plupart des auteurs, il est difficile de parler de leur propre texte, sauf vanité patentée. Car publier un livre, c’est forcément croire en son œuvre ; et cependant, l’écrivain honnête connaît trop bien les doutes qui accompagnent l’acte d’écrire, pour oser dire publiquement du bien de son livre (notamment lorsqu’il rédige la Quatrième de couverture). Il sait à peu près ce qu’il a voulu faire (c’est-à-dire l’œuvre dont il a eu le rêve), mais le simple fait d’en parler, parce qu’elle l’oblige à faire comme s’il avait réussi son entreprise, réveille désagréablement en lui le syndrome récurrent de la prétention littéraire… Seuls les autres peuvent vraiment en parler sans gêne, les critiques qui en font la recension, les lecteurs qui témoignent de ce qu’ils ont cru lire, les professeurs qui les étudient, etc. – quand bien même leurs lectures seraient objectivement discutables. Je les appelle donc à ne pas se gêner !
Le problème qui se pose en effet pour moi, c’est que les « critiques » se taisent. Ils refusent de parler des livres qui sont sortis du circuit commercial. Tant que personne ne m’a lu, je suis bien obligé de dire ce que j’ai fait (ou cru faire), dans une présentation la plus factuelle possible. Ce qui n’est pas simple. Par exemple, j’ai failli dire, ci-dessus (et voici que le dis maintenant !) : « L’Inscription de Benjamin est à la fois dialogue sur un récit et récit d’un dialogue ». Cette formule n’est pas fausse (les interlocuteurs débattent de l’histoire de B., et ce faisant, font du livre l’histoire d’un débat, et de ses révélations) ; mais elle se constitue d’une figure de rhétorique qui a elle-même quelque chose de prétentieux. Et c’est ce qui m’a conduit : 1/ à ne pas l’employer 2/ à dire pourquoi je ne l’avais pas employée 3/ à la faire connaître quand même, par une sorte vanité au second degré, qui témoigne de ce qu’on ne peut pas à la fois être écrivain (cette posture) et prétendre à la modestie.
Je suis, hélas ! un faux modeste. Et pas peu fier de l’avouer…



mardi 26 mars 2013

« Le Rappel », nouvelle publication des Éditions de Beaugies




● Point de départ.
Une nuit, il y a 25 ans, j’ai fait un rêve comme nous en faisons tous : je me retrouvais vingt-sept ans plus tôt, en pension, dans le corps de mes 15 ans, avec toute ma conscience d’adulte. Je disais à l’avenant : « Je suis ici quelqu’un venu prendre des mesures ». J’ignorais, au réveil, comment les choses s’étaient terminées, mais il m’en restait de très vives sensations. À force de se dire que « la vie est un songe », on oublie que le « songe » peut avoir l’intensité de la vie… ce qui ne laisse personne indifférent.
Je n’étais pas le premier à « revivre » en rêve ce type de situations qui semblent sans issue, alors qu’on en est très bien sorti dans la réalité. Je savais que le thème de la translation dans le temps avait fait l’objet de nombreux romans ou films de science-fiction. C'est dans le traitement du sujet que pouvait être l'originalité. J’ai donc hésité quelques semaines, en prenant des notes. Puis mes intentions se sont précisées...

● Genèse et « intentions de l’auteur ». Ce rêve s’étant saisi de moi, j’ai trouvé judicieux de m’en emparer à mon tour : le prendre au sérieux, entreprendre un récit qui lui donnait sens, ressaisir les atmosphères étranges que j’y avais éprouvées, interroger le mystère du Temps que nous traversons et qui nous traverse. Quelle étrange faculté, en effet, que celle de « se souvenir » ! Qui n’a jamais éprouvé le plaisir étrange de rappeler à soi des moments anciens pourtant très douloureux ? Quelle bizarrerie ! Où cela mène-t-il ? Et si c’était, à l’inverse, le Passé qui nous rappelait ? La vie vaudrait-elle la peine… d’être revécue ?
Sur ce fond d’interrogations troublantes, j’ai donc composé une sorte de délire cohérent, en adoptant – pour le rendre crédible – le ton de l’autobiographie. Je disposais d’éléments suffisants, en moi et autour de moi, pour étoffer ce projet (anecdotes personnelles, situations vécues en commun, et autres témoignages des années 1950). Rédiger le manuscrit m’a pris quelques mois, d’avril 1988 à mai 1989. J’ai osé un certain lyrisme. Un « style d’autrefois » me paraissait devoir convenir au récit d’une histoire de jadis. Et c’est sans doute ce qui a motivé, je pense, le refus des éditeurs…
J’ai alors laissé reposer mon texte, je l’ai repris et mis au point il y a une dizaine d’années. Et le voici aujourd’hui, dans une forme qui me paraît aboutie, compte tenu de ce que j’ai « voulu dire ». Aux lecteurs d’estimer si ce récit leur parle…

● Un récit autobiographique ? Je viens d’employer l’expression « le ton de l’autobiographie ». C'est qu'il faut toujours distinguer le « moi » de l’auteur de celui d’un personnage de fiction que l’on fait parler à la première personne. Formellement, l’emploi du « je », lié aux notations de lieux, de temps, et d’autres indices, sert à « faire croire » à la réalité effective du récit, mais ne renvoie nullement à la personne de l’auteur. Ce livre est un court roman, non une « confession ». J’ai naturellement puisé dans « ma » vie pour constituer celle du « héros », pour authentifier son histoire à l’aide de faits réels ou de traits psychologiques plausibles, mais j’ai beaucoup arrangé, emprunté, inventé pour le faire « exister ». L’objectif du romancier est toujours de rendre le personnage à la fois autonome (indépendant de son auteur) et suffisamment proche de la vie des autres pour que chaque lecteur puisse, peu ou prou, se retrouver en lui. C’est ainsi qu’au fil de l’écriture, il est fréquent que la logique du récit dicte à l’auteur ce qu’il n’avait pas prévu d’écrire, y compris des émotions ou réflexions prêtées à son personnage, et qu’il ne partage pas !

FBH.

   
N.B. Il pourrait être tentant d’appliquer le vocable d’autofiction à la nature de ce livre, puisque l’auteur semble y « essayer » son moi réel en le transportant dans une aventure irréelle. Mais je ne pense pas que le terme soit ici pertinent. L’autofiction répond en effet, pour celui qui l’écrit, au désir de « se » projeter dans une fiction pour s’expliquer son moi : elle demeure égocentrée. Dans le cas du Rappel, la finalité est inverse. Celui qui tient la plume ne fait qu’utiliser le matériau biographique pour étayer la fiction, afin que le lecteur puisse s’identifier, se remémorer des émotions oubliées, et s’interroger sur les strates des temps qu’il a pu vivre lui-même. C’est une allo-fiction… Il est conduit à se dire : « Comment réagirais-je si j’étais replacé dans une telle situation ? »
  




samedi 19 janvier 2013

Le Songe des Arbres et la Rumeur qui passe [Éditions de Beaugies]


Le Songe des Arbres et la Rumeur qui passe


Un livre n’a qu’une existence semi-réelle. Certes, l’objet est bien réel, là, sur l’étagère. Mais ce qui y est écrit, qui est l’essentiel de sa « réalité », n’existe vraiment que dans la conscience du lecteur. Un texte qui n’est pas lu est un texte mort-né. Attention : il ne s’agit pas simplement de constater, banalement, que le livre n’existe que dans sa réception par un public, mais d’observer que cette réception elle-même est l’indispensable parachèvement de la représentation imaginaire que projette l’auteur sur le papier. Que celui-ci le veuille ou non, le lecteur est co-créateur de son œuvre.

Loin de seulement « prêter vie » à une œuvre toute faite, le lecteur élabore à chaque lecture, en donnant sens aux mots et aux phrases, une version personnelle qui n’existe que dans son for intérieur. Cette version personnelle, co-créatrice de l’œuvre, correspond plus ou moins au « vouloir dire » de l’auteur : elle peut le « déformer » ou l’enrichir, elle peut varier selon les heures, les humeurs, la subjectivité des récepteurs, mais c’est cette co-création seule qui fait accéder le livre à sa réalité (spécifique). Lorsque les versions personnelles convergent, bien qu’aucune ne soit totalement identique aux autres, elles peuvent aboutir à une « vérité collective » de l’œuvre ; mais celle-ci peut elle-même varier à travers les siècles… 

Un cas particulier est bien entendu celui de l’auteur qui se relit lui-même, sur le moment ou des années après. En redécouvrant tel ou tel écrit, il a souvent l’étonnante impression que son œuvre a changé. Qu’elle est datée, qu’elle a vieilli, qu’il n’entre plus dedans, ou au contraire qu’elle est « plus vraie » que jamais, que la réalité a dépassé sa fiction, etc. Il y perçoit en tout cas des aspects dont il n’avait pas bien conscience en l’écrivant, et observe, par exemple, que son texte ne signifie plus la même chose que ce qu’il croyait dire parce que, simplement, le sens des mots qu’il employait s’est modifié. Un simple exemple : quand j’ai parlé de « normalisation publicitaire », il y a trente ans, le mot était fortement connoté par le modèle soviétique. Aujourd’hui, le terme s’est affaibli, je dois retrouver des synonymes qui ne correspondent qu’approximativement : formatage, conditionnement, aliénation.

Un autre exemple, plus actuel : quand j’ai écrit et publié l’histoire de l’« Arbre migrateur », il s’agissait surtout pour moi d’une « fable à contretemps ». Si mon procès des modes et des rumeurs prescriptives prenait la forme d’un conte, soigné certes, je n’imaginais pas que ce serait cet aspect narratif/poétique qui séduirait d’abord les lecteurs, et particulièrement le jeune acteur qui l’a mis en scène à Avignon. Si bien que, ravi de cette expérience, j’ai écrit une suite à l’odyssée du Migrateur, « Le Fils de l’Arbre », dans une perspective sciemment littéraire, et publiée dans un autre recueil d’histoires « dissidentes » : Youm, le cheval qui lisait avec ses narines (cf. ma présentation du 31 mai 2011). Il me restait à trouver le moyen de regrouper les deux récits en un seul livre, ce qui fut le second objectif de l’AFBH-Éditions de Beaugies.

Le simple projet de regrouper ces deux textes en a, structurellement si j’ose dire, modifié la visée et la nature. Et pour ainsi dire, étoffé le sens, en mettant l’accent sur le caractère poétique de l’aventure racontée, ce que j’ai traduit par un nouveau titre : Le Songe des Arbres et la Rumeur qui passe. Ce sont toujours les mêmes récits, mais c’est une autre histoire, bien qu’elle n’ait pas changé, textuellement parlant… Des enfants de dix ans pourraient y trouver plaisir. Ce qui n’empêche pas le public de se centrer, s’il le préfère, sur une lecture idéologique de l’œuvre. Un livre n’est jamais achevé, puisque sa « réalité » dépend toujours de l’apport interprétatif de celui qui le reçoit, mais en même temps, toutes les lectures dont il bénéficie sont l’occasion de son propre renouveau.
F.B.

mardi 3 juillet 2012

"Le Bonheur conforme" réédité aux éditions de Beaugies (juin 2012)


Le Bonheur conforme enfin réédité...


Il est difficile de publier un ouvrage. Il ne l’est pas moins de le maintenir en vie, dans un monde éditorial qui juge des publications en termes de rentabilité immédiate. Pour l’écrivain authentique, chaque livre est l’élément d’un ensemble : une petite pierre de l’œuvre qu’il édifie au fil des ans. Pour l’éditeur, marketing oblige, c’est un produit lancé au coup par coup, et de moins en moins « durable ».
Que peut donc faire l’auteur, quand il voit sa production globale soudain amputée de livres encore « vivants », alors qu’il n’a pas encore publié des textes inédits qui lui sont essentiels ? Renoncer, ou résister ? Assister à la mort lente des fruits de sa conscience ? Ou prendre en charge le destin de son œuvre ? C’est ce dernier choix que j’ai fait, en cherchant une « plateforme » susceptible de relancer mes ouvrages. À commencer par la réédition du Bonheur conforme, dont les éditions Gallimard m’ont rendu les droits, fin 2011.
Ainsi est née l’AFBH, association qui gère les éditions de Beaugies, dont le site va s'étoffer dans les mois à venir ( http://editionsdebeaugies.org/ ). Après plus de quinze publications, j’ose encore croire à ma vocation d’écrivain : c’est-à-dire à ma capacité d’écrire et au « Sens » de ce que je « veux dire ». Mes amis les plus fidèles m’ont conforté dans le sentiment qu’il est bon que je continue d’apporter ma très modeste contribution à la très vaste littérature, celle qu’évoque Ionesco en ces termes : « La littérature, c’est ce qui empêche les hommes d’être indifférents aux hommes. » L’AFBH est le sigle qui résume le libellé de notre association " Humanisme et littérature engagée : association des Amis de François Brune / Bruno Hongre "
      
          Avant de procéder à cette réédition, je me suis posé la question de savoir si je devais reprendre mes analyses à partir d’exemples plus récents, sachant qu’au fil des années, l’imagerie publicitaire (panneaux, spots, slogans) s’est évidemment renouvelée. Ce dont j’ai tenu compte dans les divers articles que j’ai publiés depuis, notamment dans « Les Médias pensent comme moi ! » (L’Harmattan)
          Mais si la forme et les armes de la « pub » ont varié, l’idéologie qui les traverse n’a pas bougé d’un pouce. Qui contesterait aujourd’hui, par exemple, les effets délétères, notamment sur les enfants, d’une hyper-sexualisation dominante censée stimuler l’hyper-consommation? Idem pour la thématique de la puissance et de la performance, qui sont sans fin célébrées comme des « droits », frustrant les citoyens « les moins favorisés » qui ne sauraient y accéder. La promesse du « tout tout de suite » et le « règne du plaisir » demeurent la toile de fond de nos soifs d’aujourd’hui, à l’aide de « nouveaux » slogans aussi parlants que celui-ci : « Le plaisir, c’est de changer de plaisir. » Ce n’est pas le moindre paradoxe de l’idéologie du changement que de se répéter telle quelle, au point de ne se saisir du concept de « durabilité » que comme d’une variation parmi d’autres : « Une relation durable, ça change la vie » (Crédit agricole).
     Je pourrais accumuler les citations-refrains glorifiant l’identité-produit (l’aliénation des filles et garçons aux marques qui définissent leur « moi je »), ou opérant la sempiternelle réduction des valeurs humaines à l’ordre unidimensionnel de la consommation : Écoutez votre âme…nous dit une publicité de 4/4. Je pourrais illustrer la violence possessive instillée dans l’imaginaire collectif par des années de conditionnement (cf. le slogan « Je le veux, je me l’offre » : parole de nanti occidental se saisissant du produit fabriqué à l’autre bout du monde, dans des sous-sols insalubres, par des enfants maltraités).
Ainsi, la description critique des effets dominants du système publicitaire, tel qu’il sévissait déjà il y a trente ans, nous éclaire sur la façon dont a été dressé le sujet consommateur déambulant dans nos villes. En sachant d’où viennent les parents d’hier, on ne s’étonnera pas de voir ce que deviennent les enfants d’aujourd’hui.
        Le premier intérêt de cette réédition est donc historique. Elle entend faire date. Si elle montre en quoi la « normalisation » publicitaire a réussi, elle rappelle aussi par quels moyens les rebelles au système ont tenté de lui résister et lui résistent encore. Lorsque fut fondée RAP (Résistance à l’Agression Publicitaire), en 1992, la plupart de ses co-fondateurs, Yvan Gradis, René Macaire, Bertrand Poirot-Delpech, se reconnaissaient précisément dans les analyses du Bonheur conforme et dans sa proclamation initiale : « Il ne sera pas dit que nous nous laissions faire ». Et leurs successeurs sont loin de renier ce livre lui-même « fondateur ».
        La seconde raison de maintenir en vie cet ouvrage, c’est l’intérêt didactique que lui ont reconnu ses lecteurs. Résister implique un effort d’élucidation à la fois sur soi (en quoi suis-je vulnérable aux messages ?) et sur notre environnement mental (comment le système nous piège ?). Le décryptage des spots, l’approche méthodique des niveaux d’influence auxquels nous sommes soumis (depuis la conduite d’achat jusqu’au mode de pensée), le repérage de l’idéologie qui imprègne ce qu’on croit être de pures techniques de signification, tout cela ne saurait s’improviser et requiert une sorte d’apprentissage. Sans cette prise de conscience, aucune action militante ne peut être efficace, ni aucun citoyen vraiment libre.
       Cette réédition est donc l’occasion d’une renaissance militante : face aux aliénations que reforment chaque jour les discours dominants, il nous faut bien renaître chaque matin à la liberté par la conscience. C’est aussi pour moi le bonheur d’une renaissance littéraire, puisqu’elle ouvre la voie à des publications de livres qui me tiennent à cœur, et qui jusqu’alors n’avaient pas pu… voir le jour !

F.B. 



mardi 31 mai 2011

YOUM, le Cheval qui lisait avec ses narines (2011)

"La Vie est un Rêve à dormir debout.
Ainsi se produisent d’étranges événements qui, soudain, déchaînent ou dérèglent comédie médiatique. C’est l’incroyable irruption d’un poulain sachant lire, faisant délirer les experts de tout poil. Ou le sombre projet de technocrates ayant décidé, semble-t-il, de raser le Mont blanc pour faciliter le flux tendu des entreprises. Sans parler du terrible Virus littéraire qui, foudroyant les lecteurs cultivés, devait engendrer une mémorable crise de l’édition. Ou encore, de la rébellion légendaire des forêts contre les autoroutes meurtrières, menée par le Fils de l’Arbre en personne…."


Telle est la présentation du livre d’histoires « dissidentes », que publient ce 6 juin 2011 les éditions Parangon, et que j’ai écrites dans le sillage des fables de L’Arbre migrateur. Le titre du recueil est aussi celui du premier récit.
En voici un extrait où il s'avère que le poulain Youm, qui lit en plongeant ses naseaux dans les pages, inspire au public une mode nouvelle qui consiste précisément à « youmer » :

"Youmer, c’était à la fois humer et brouter les pages et les mots, en allant rapidement d’une feuille à l’autre, parfois même en se contentant d’un rapide coup d’œil ou de nez sur le début, le milieu ou la fin du bouquin. S’adonner dans le désordre à ce nouveau plaisir de lire fut aussitôt jugé « tendance ». Chacun crut devoir apprendre à youmer, en oubliant même le poulain qui en inspirait la mode.

"En bord de mers à requins comme aux sommets des montagnes à vaches, sans parler des diverses stations touristiques, tous les publics, des moins vieux aux plus jeunes, youmèrent follement, le walkman à l’oreille, sur des rythmes plus ou moins jazzés. On s’aperçut qu’on lisait ainsi beaucoup plus vite.


"Fréquenter les libraires redevint un sport prisé : un lecteur sachant "youmer" parvenait à saisir l’essentiel d’un bouquin en quelques minutes, sans avoir à débourser le moindre picaillon.
Les étudiants s’emparèrent de cette pratique, qui allégeait considérablement les lourds programmes de concours. À la question rituelle des examinateurs : « Avez-vous lu cette œuvre ? », les candidats disposaient enfin d’une réplique infaillible : « Non, mais je l’ai youmée… »

"La mode du « youm » révolutionna bientôt toute la profession du livre. Finis les emballages : le client devait pouvoir youmer les textes en y fouinant le museau, pour peu qu’il se limite à quelques secondes. Finie la tyrannie du visuel : place à la dictature de l’olfactif. La composition des pâtes à papier et les qualités des encres durent se plier aux logiques du marketing et aux exigences des odorats.

"Même bouleversement au sein des comités de lecture. Il ne fut plus question de faire lire attentivement les ouvrages par des lecteurs érudits ou esthétiquement qualifiés. Des panels représentatifs de consommateurs culturels remplissaient cet office, au cours de séminaires où chacun pouvait youmer une quinzaine – voire davantage – de manuscrits à l’heure. Plus que jamais, les grands éditeurs se reconnurent à leur flair. Pour bien choisir, il fallait avoir le nez creux. Les poils de nez dépassant les narines étaient considérés comme un « plus ». Et l’on peut assurer que la reine Cléopâtre, si elle se fût lancé dans l’édition, toute la face du monde des lettres en eût été changée.

"Les jurys littéraires n’échappèrent pas à la mode, leurs membres trouvant là une façon enfin rapide et opérationnelle de sélectionner les meilleures parutions. C’est en youmant des volumes, entre des plats exquis, que d’éminents convives élurent désormais le fameux prix Goncourt.

"L’acte d’écrire, faut-il le souligner, en fut lui-même modifié. Non contents d’avoir à humer leurs manuscrits à mesure qu’ils rédigeaient, les écrivains en mal de publication devaient fournir, avec leur curriculum vitae, une photo de profil faisant état d’un appendice nasal conséquent, en vertu du préjugé selon lequel la capacité de sentir se mesure à l’ampleur des narines. »

F.B.

mardi 12 mai 2009

La Complainte de l’Arbre migrateur

Comme je l’avais annoncé dans la présentation de mon recueil, l’acteur Jean-Luc Boucherot est parvenu à son objectif : raconter sur scène l’histoire de « L’ Arbre migrateur » (voir le billet du mois d'Août 2008 à propos de ce recueil et de cette fable). Le Théâtre des Corps Saints l’a accueilli au cours du festival d’Avignon, du 8 au 31 juillet 2009 (cf. l’affiche ci-contre, un vrai vitrail !). À cette occasion, le livre a pu être réédité, avec cinq fables nouvelles. Dans la foulée, j’ai composé (en alexandrins pas trop académiques) cette complainte qui chante l’odyssée du migrateur :

Complainte de l’Arbre migrateur

Je suis l’Arbre exilé aux racines qui saignent,
En partance éternelle sur l’asphalte sans fin.
Je suis l’Arbre en exil aux racines coupées
Qui erre sans refuge loin des terres quittées !


Dans la forêt natale où la Nature me mit,
Je respirais les fleurs et je portais mes fruits.
Lors, la Rumeur passa, et me dit : « Mon ami,
Tu vas moisir ici ! Fuis ce lieu de misère,
Adapte ton profil au style é-co-lo-gique :
Toute la Ville attend ta verdure au-then-tique. »
Flatté de l’espoir fier de vivre avec mon temps,
Je dis Adieu au Père, d’un grand signe dans le vent.


Je partis pour la ville, pour les bruits, pour l’enfer,
Dans un square en béton qui desséchait les airs !
Avec pour seul ami, le soir, le Réverbère,
Je voulus espérer, je crus bon de souffrir...
Un ciel sans horizon m’empêchait de rêver ;
Mon corps n’était plus fier de ses feuilles chétives ;
Je devenais moi-même à moi-même Étranger…
Et les ans se passaient, m’ennuyant à mourir.


Alors, sauvant ma Vie, j’ai tenté de m’enfuir,
De retrouver ma sève, et ma terre, et mes frères !
J’ai franchi, trébuché, j’ai peiné sur les routes,
Partout me poursuivaient les grilles de la mort !
Et quand j’ai cru gravir les pentes du pays,
Renaître à l’air natal, sourire aux branches en fleurs,
Entendre me parler la source qui demeure…
Un orage de fer m’a transpercé le cœur !


Je suis l’Arbre en exil aux racines coupées,
L’éternel migrateur dans la boue des chemins.
Je suis l’Arbre en souffrance au feuillage flétri,
Qui erre sans repos loin du gîte effacé.
Je suis l’Arbre oublié, qui, hélas ! se souvient,
Le pays que l’on quitte en silence nous fuit...
Je suis l’Arbre blessé qui ne reviendra plus,
On ne retourne pas au Paradis perdu !

F. B.

Note. L'indication commentaires étant absente ci-dessous, on peut
déposer un message au bas du billet du 4 août 2008, qui présente
le recueil L'Arbre migrateur, et autres fables à contretemps...

vendredi 31 octobre 2008

Rien de nouveau? Mais si: relisez.



Il y a contradiction entre l’esprit dans lequel j’ai ouvert ce site, et la structure des « blogues », dont la logique est de précipiter les billets d’hier dans les abysses du passé, au profit du billet présent, le "scoop" de la pensée, qui sera néanmoins obsolète dès demain …

Sachant cela, j’ai volontairement disposé mon propos en sens inverse, pour respecter l’éclairage naturel de la chronologie, comme on peut le constater dans la marge de gauche de mon "blogue" qui, elle, invite à me lire en suivant le fil de ma trajectoire d’écrivain (genèse, ouvrages successifs, situation actuelle).

Ce mépris de l’up to date a étonné quelques uns de mes amis lecteurs : "Comment, disent-ils, rien de nouveau sur ton site ? Tu risques de n’être pas lu, puisque tes papiers datent !" Eh bien, j’ai le regret d’avouer que si je n’ai rien ajouté à ce que j’achevais d’écrire le 28 août dernier (à l’exception des précisions adressées à quelques commentateurs), c’est que je n’avais rien à dire de "nouveau", au sens où on l’entend communément !

En littérature, quand l’essentiel est dit, le nouveau se trouve dans la relecture. Et c’est à celle-ci que je convie les visiteurs de bonne volonté.

Sacha Guitry disait, je crois : « Quoi de nouveau ? Molière. » Je voudrais, très humblement, m’inscrire dans le sillage du grand maître, que je relis si souvent, non sans rire. Et parfois, aux éclats…

F.B.

lundi 25 août 2008

Mes autres livres, passés ou à venir (2008-2…)



■ Interrogation récurrente : « Qu’écris-tu, en ce moment ? »
En somme, j’ai beaucoup écrit. C’est assez étrange, vu le nombre de fois où, dans la dimension graphomane de mon existence, j’ai éprouvé le sentiment à la fois de n’avoir plus qu’à me taire et de n’avoir pas encore dit l’essentiel. D’où ce trouble qui me saisit lorsque tel ou tel ami me demande : « Qu’est-ce que tu écris, en ce moment ? ». Plus d’une fois, j’ai failli répondre : « Je suis en train de ne rien écrire ! Je suis sec, j’ai tout dit ! Alors, alors… je la ferme ! » Et puis, le tropisme de la plume chassant le désir de faire silence, je me retrouve bientôt, modeste Sisyphe, gravissant ma montagne en y roulant un nouveau rocher.
Je ne parle pas seulement ici de mes ouvrages didactiques, comme Le Dictionnaire portatif du bachelier, Révisez vos références culturelles ou L’ Intelligence de l’explication de texte : j’ai fait ces sommes parce que j’y ai cru, et j’y travaillerai encore s’il le faut. Je parle de mes textes plus personnels, non pas de simples recueils d’articles, mais de ces livres qui méritent, par leur cohérence et leur unité, le nom d’œuvres. Qu’est-ce qui fait que l’on continue non pas seulement d’écrire des lignes, mais de concevoir des œuvres, fussent-elles de courtes nouvelles ?

Cette question m’étonne d’autant plus qu’à la longue, je n’évite pas une certaine fatigue, et la sensation récurrente de l’à quoi bon écrire ! Pourquoi continuer sur sa lancée, alors qu’on la sait parsemée de tant d’obstacles ? Pastichant Bernanos, je pourrais dire : « La persévérance, c’est la lassitude surmontée », ou « La confiance, c’est la détresse surmontée ». Toujours est-il qu’à un moment ou à un autre, je reprends le collier ou le joug, tel un « Bos suetus aratro », et repars affronter l’éternel refus des éditeurs…

La clef de l’énigme nous est peut-être donnée par Nerval. Dans Aurélia, il nous rapporte en effet l’une de ses manies, à l’époque où il séjournait dans la maison de Santé (mentale) du Docteur Blanche. La nuit tombée, il faisait le tour du parc d’un pas rapide, à l’heure où les astres apparaissaient au firmament, convaincu que sa marche était indispensable à l’harmonie des sphères, à la régulation du mouvement des corps célestes. Sans cette active participation, le cosmos se fût détraqué…
Je suppose qu’un homme normal rirait de ce délire. Cependant, sans ce délire, aucun écrivain ne persisterait dans l’écriture. Que nous l’avouions ou non, nous avons le sentiment, en écrivant, de tenir entre nos mains les destinées du monde. Sans nos livres, l’univers ne tournerait pas rond… Cher Nerval ! Il n’est pas impossible que son délire soit, beaucoup plus généralement, la raison suffisante qui explique toutes les actions humaines !

■ Mon passé à venir. Avant « d’écrire encore », lorsque je retrouve le silence, je me retourne en général vers mes livres achevés qui « dorment » (croit-on) dans mes tiroirs. En guise d’inspiration nouvelle, je relis ce que j’ai parfois écrit il y a 20 ans, et qui me semble toujours publiable. En l’occurrence, il s’agit surtout de deux textes ayant pour titres respectifs Le Rappel et L’ Inscription de Benjamin, dont je ne dirai rien ici, mais que beaucoup de mes amis ont lus et appréciés. Parce qu’ils méritent, selon eux comme selon moi, le nom d’œuvres, je sais qu’un jour je parviendrai à les éditer, en dépit du nombre impressionnant de refus que ces créations ont cumulés depuis vingt ans.
Naturellement, j’ai d’autres projets, qui passeront peut-être avant, et j’en noircis le revers de feuilles déjà imprimées (je m’en sers comme brouillon : économie de papier !). Il y a dans mon jardin beaucoup de pierres qui ne demandent qu’à être taillées pour s’assembler. Et même quelques pavés. Ce ne sont que des lignes, des éléments épars : quand je dis que je « n’écris » rien, cela signifie seulement que je ne suis pas en train d’écrire « une œuvre », mais non pas que j’ai cessé de rédiger. Sisyphe attend de penser son nouveau rocher avant de repartir vers les sommets…

■ Qu’est-ce qu’une œuvre ? J’ai peut-être trop vite évacué le mythe de la littérature comme accès à l’intemporel, dans mon premier texte (Itinéraire d’un écrivain). Sans tomber dans ce mythe, il faut bien constater qu’écrire, c’est croire à une parole durable en raison de son inscription même. Par l’écrit, je la « pérennise » provisoirement, si j’ose dire, jusqu’à ce que mon message soit reçu (lu, déchiffré) par mon interlocuteur (qu’il s’agisse d’une note adressée à un subordonné, d’un courrier que j’expédie à un parent, etc.). Verba volant, scripta manent. Alors que la communication orale est en principe instantanée, le message écrit, lui, pour aller à son destinataire, doit se maintenir « en vie » pendant une période plus ou moins longue : la « littérature » commence précisément avec la nécessité de franchir cet espace temporel qui sépare le moment où une personne écrit de celui où le lecteur ouvrira le livre (– ce qui peut durer des semaines, des années, ou des siècles !). Il faut donc soigner ce message pour qu’il « passe », pour que – bien après sa formulation originelle – il soit reçu aussi efficacement que possible, dans toute sa clarté et sa complexité. Il faut lui donner une sorte de vie autonome, de « cybernité » indépendante de l’auteur (qui peut entre-temps avoir disparu). L’art d’écrire dépasse la seule écriture au fil des pages : il consiste à faire d’un livre un édifice en soi, une sorte d’entité qui vit par elle-même, un éco-système à sa façon (que j’orthographierais volontiers « écho-système »). C’est précisément à cette création que je donne personnellement le nom d’œuvre. Et c’est parce que cet effort a pour objectif de franchir le temps que l’on vit l’art d’écrire comme un anti-destin.
Cela suppose qu’on se méfie des facilités du mode narratif auquel on réduit aujourd’hui la littérature. Une suite de pages ou de séquences, où un lecteur – même critique – croit pouvoir humer un « ton », peut faire croire qu’il y a du sens là où il n’y a ni unité ni cohérence, mais seulement succession de lignes. Ce sont les relations internes, les résonances qui se créent entre les parties et le tout, entre l’âme et le corps du texte, qui confèrent à l’œuvre sa puissance et sa vérité de Signe, de sorte qu’on ne puisse rien lui ajouter ni lui retrancher sans proprement la dé-figurer. Si elle n’est pas cela, aussi volumineuse soit elle, elle n’est qu’un assemblage de « papiers » sans consistance. Objectif premier : ne pas être inconsistant !

■ Comment savoir ? Oserai-je parler de mon cas ? Il y a des indices relatifs à l’expérience même de l’écriture : c’est le moment où le projet, longtemps mûri, devient un dispositif opérationnel. Le moment où la nébuleuse « cristallise », devient une galaxie tournant sur son axe central, et attire à elle, intègre sans son sillage, toutes les notes parcellaires, les éléments épars qui rodaient dans le « rêve d’œuvre » que l‘on faisait avant de passer à l’acte d’écrire. Il faut alors aller jusqu’au bout, donner du corps aux idées et de la signification au corps, travailler au « dessein » de l’œuvre qui s’est emparée de son auteur, du détail particulier à la charpente globale, dans un va-et-vient obsessionnel. Quand tout se coule dans le dispositif mis en place, c’est le signe que l’œuvre « prend, et de ce point de vue, il n’y a pas de différence spécifique entre une nouvelle, un roman, une pièce de théâtre, ou une mayonnaise…

■ Les amis lucides. L’autre moyen de savoir si l’on a vraiment fait une œuvre, et non une suite de pages, consiste à se fier aux amis lucides. Ceux qui à la fois comprennent le projet, et sont sans complaisance sur sa réalisation. Luc, Colas, Jacques, et bien d’autres. Ils ont l’avantage de voir le tableau à distance, alors que le peintre a encore le nez dessus. Ils sont capables de dire « Oui, c’est ça », comme de mettre en cause le projet même. Je leur dois le courage d’oser continuer, d’aller jusqu’au bout, et parfois de mieux comprendre grâce à eux ce que je voulais faire moi-même. Bien sûr, ils sont, ou ont été, des professeurs… et alors ? Faut-il s’abandonner aux poncifs de l’écrivain passant chez Pivot, qui dit n’avoir écrit que pour son plaisir, en se laissant mener par la plume sans savoir où il allait, etc. ? La leçon des œuvres véritables, qu’elles soient d’un genre mineur ou majeur, c’est qu’elles ont été pensées !

■ Les éditeurs ? Il faut bien l’avouer : il sont parfois lucides. Mais l’expérience que j’ai faite de leurs inconséquences (ce qu’ils refusent/ce qu’ils publient), ou des contradictions de leurs avis respectifs, me laisse dubitatif sur la confiance qu’on peut avoir en leur capacité de juger sainement des manuscrits. On en sait les raisons : manuscrits refusés sans être lus, jeu de lecteurs successifs aux impressions indécises (en quête d’un « ton » neuf sans entrer dans « l’intelligence » des œuvres), directeurs de collection qui ne lisent pas vraiment ou privilégient les auteurs qu’ils connaissent déjà, effets des modes à court terme et des poncifs de l’époque (« ce qui ne s’écrit plus aujourd’hui »/ « ce qui doit s’écrire maintenant » – ces scènes obligées, porno par exemple, censées refléter la modernité des mœurs), arrière-pensées commerciales, stratégies des prix « littéraires », craintes des critiques patentés dont les préjugés font la loi, etc., sans parler des embouteillages d’un système de distribution saturé par l’inflation de tant de titres médiocres.
Je dis tout cela sans acrimonie. Il m’arrive souvent de penser que ce fut aussi une chance pour moi d’être difficilement publié : la parution sans obstacle et le succès précoce conduisent à écrire n’importe quoi, par besoin névrotique de « paraître », – la névrose en question pouvant d’ailleurs être financière. Il ne faut ni se prendre pour un « nauteur-notoire » si l’on est publié par un grand éditeur, ni douter de son génie si l’on est refusé par les sous-fifres de son service des manuscrits. Le S.E.I.C.P. (Système des Éditeurs Institués et Critiques Patentés) n’a rien à voir avec une Providence chargée de faire connaître les grands Classiques de notre époque : il faut fuir cette dépendance infantile qui fait espérer d’un « Néditeur » la consécration d’un Père littéraire… Avec ou sans éditeurs, en les aidant à nous aider s’ils sont bien disposés, en les court-circuitant s’ils sont défaillants, il faut aller au public, grand ou petit, par tous les réseaux possibles (dont Internet), en oubliant la chimère ambitieuse de devenir « auteur à succès » ou d’être érigé par le système en « prophète » multimédia pour notre temps.

■ Et alors ? Eh bien, contre vents et marées, l’écrivain doit écrire. Pas un jour sans une ligne, devise connue. Pas un jour sans un simple mot, ou même sans un silence, le silence de l’écrivain étant encore, comme celui du musicien, une façon de se signifier. Avoir confiance dans les lueurs qui nous traversent et que d’autres attendent de nous. Faire ses lignes, préparer ses signes, répondre aux appels venus du monde, ou du fond de soi, ou du murmure de Dieu-en-soi, qui sait ? Produire ses fruits, aveuglément parfois, en se laissant traverser par un vouloir dire encore obscur, mais que l’énoncé rendra lumineux, ou que le public révèlera lui-même en lui trouvant le sens qu’il cherchait, en « décachetant » le livre comme on ouvre une enveloppe pour y lire un message dont le messager ignorait la véritable teneur.
Être écrivain, c’est continuer d’écrire.
F.B.

lundi 4 août 2008

L’Arbre migrateur et autres fables à contretemps… (2005-2010)

Ce recueil a vu le jour en juin 2005, aux éditions Parangon. Il comprend une dizaine de récits à portée symbolique, auxquels le nom de fables convient mieux que celui de nouvelles. Au risque de « vendre la peau de l’ours », j’ose ajouter « 2010 » comme date de publication, en anticipant sur une possible réédition qui serait alors largement augmentée… (N.B. Précision que j'apporte ce 27 juillet 2009 : le livre a pu reparaître, augmenté de cinq fables, pour le festival d'Avignon 2009!)

Genèse. J’ai écrit ces histoires au fil des ans, depuis un quart de siècle, chaque fois que m’en venait « l’inspiration » et que j’avais le loisir d’en mûrir la facture. Il se trouve que, quelle que soit la date de leur écriture, elles ont en commun d’être, si l’on veut, « des anticorps de l’époque au cœur de l’époque ». C’est ce qui leur donne l’unité qui fait d’un livre une « œuvre », et m’a conduit à en proposer la publication à divers éditeurs qui, soit n’en comprenaient pas le sens, soit doutaient de ses chances « commerciales »… jusqu’au jour où mes amis de Parangon ont été séduits par le projet, et par la présentation que voici :

« Quiconque s’embarque aveuglément dans son époque se trouve parfois projeté aux antipodes.
Un épargnant désireux de palper son fric s’égare dans Paris en distribuant des centaines d’euros. Un téléphile dont l’écran tombe en panne s’invente devant son poste éteint des spectacles virtuels qui le transportent au septième ciel. Un conducteur ne parvient plus à sortir du périphérique, par peur de déserter l’Humanité en marche. Des publicitaires, payés pour barbouiller de slogans les rochers et les arbres, rencontrent Dieu dans le désert, et changent d’employeur. Un buveur de soda s’éprend d’une bouteille-vampire. Quant à l’Arbre migrateur…
Autant de folles fictions, tantôt tragiques, tantôt hilarantes, qui s’inscrivent dans la logique autodestructrice de notre temps »

Réception du livre. Si l’on considère que le genre de la nouvelle « se vend mal », je n’ai pas trop à me plaindre de la situation des stocks... bien qu’on puisse espérer mieux ! Mais c’est surtout la qualité de mes lecteurs (qui, eux, ont compris mes intentions !) qui m’a été une grande joie, et m’a encouragé à composer un certain nombre d’autres fables dont j’avais le projet dans mes tiroirs (dont l’une, « La prise de la pastille », vient de paraître le 14 juillet dans la revue Le Sarkophage).
Je voudrais dire aussi que j’ai rencontré un jeune acteur – Jean-Luc Boucherot – qui s’est mis à conter avec succès l’histoire de « L’Arbre migrateur » auprès de divers publics, si bien qu’ayant appris cette fable par cœur, il en connaît maintenant mieux le texte que moi ! Il n’est pas impossible qu’il monte un spectacle consacré à plusieurs de ces contes. C’est sans doute la promesse d’une aube nouvelle...
Il va de soi que je n’ai pas grand’chose à ajouter à cette présentation, c’est au lecteur maintenant de lire et de juger sur pièce(s). Pour l’aider dans cette délicate tâche, je me permets de publier ici la première de mes fables :



" CONNEXION



Le galbe de la bouteille appelait la caresse de la main. Une paille extra-fine s’offrait aux lèvres du passant, promesse paradisiaque d’un élixir inconnu.

Glenn s’approcha, mû par le désir.


Drink life. Le message, sculpté dans le verre opaque, semblait avoir pour encre l’épaisse couleur sanguine du fruité. On buvait déjà la vie en le buvant des yeux.

Glenn saisit le flacon, qui épousa aussitôt la paume de sa main. Une chaleureuse fraîcheur l’envahit ; il pressa de ses lèvres la paille hyper-tonique, ressentit le doux scellement d’un contact profond, et puis ce fut le lent, l’irréversible ravissement si longtemps désiré.

Inutile d’aspirer : la boisson coulait d’elle-même dans sa gorge, l’imprégnant de ses essences fruitées.

Inutile même d’avaler : on était traversé sans effort par un flux sans fin de bonheur liquide.


Au bout de quelques secondes, Glenn éprouva l’étrange joie de sentir qu’il ne sentait plus. Le poids de l’existence disparaissait en même temps que la fatigue du chemin. La puissance euphorisante du breuvage lui donnait l’ineffable sensation de s’alléger à jamais de sa lourde substance corporelle, de s’élever dans le monde, de devenir le monde.

Et la bouteille ne désemplissait pas ! Au creux de sa main, au cœur de sa vie, elle était devenue la compagne d’un transport infini, la complice d’une soirée éternelle. Elle fondait en lui, il fondait en elle, dans une communication extatique qui ne devait plus jamais finir...


Quand on retrouva Glenn endormi dans le froid de la mort, certains s’étonnèrent que son corps fût exsangue.


Le flacon se dressait tout près de lui, pétillant de santé, la paille offerte aux lèvres du suivant. "

F.B.

dimanche 3 août 2008

Les Pèlerins d’Halicarnasse (2007), aventure philosophique



Ce récit, paru chez L’Harmattan en décembre 2007, n’est pas de moi, mais de mon ami Jean-Pierre Alain Faye. Je le sens néanmoins un peu mien, dans la mesure où j’ai contribué à l’achèvement de l’œuvre, et placé en exergue cette formule qui en précise la visée : « L’altermondialisme sera spirituel, ou ne sera pas ».

■ Circonstances. Début 2006, je reçois un manuscrit de Jean-Pierre Alain Faye, avec qui j’avais déjà largement correspondu une dizaine d’années auparavant. Ce texte m’intéresse, et je lui dis ma convergence sur le message global du livre, notamment l’idée que l’avenir du monde repose sur un humanisme spirituel qui ne soit pas encombré des dogmes d’une religion particulière. Je lui suggère aussi ce qui me semble être des améliorations du récit et du dialogue, qui ne modifieraient en rien le fond de ce conte philosophique. Nous échangeons alors nos vues, en un courrier nourri, amical, où chacun confie à l’autre les certitudes et interrogations de son existence. Jean-Pierre Faye, qui vivait en Guadeloupe, aurait aimé en juin 2006 que je vienne converser avec lui, me proposant même de collaborer à son livre. C'est seulement courant juillet que je compris l’urgence de son souhait : il était atteint d’une leucémie qui lui laissait peu de temps… De fait, j’appris sa mort vers le 15 août, et je reçus à la rentrée deux lettres déchirantes qu’il m’avait écrites dans la semaine précédant son décès. Il me demandait de ne pas oublier « Les Pèlerins d’Halicarnasse ». C’était son ultime message au monde, c’était la bouteille à la mer qu’il eût tant aimé conduire à son port. Je ne pouvais pas « me défiler ». Je me mis au travail. « Écrire, c’est "faire signe", en réponse à ce que l’on ressent comme un appel du monde », ai-je affirmé un jour : eh bien, c’est vrai aussi lorsqu’on est simplement invité à « réécrire »…

■ Le sujet. Voici l’argument de ce livre, tel que je l’ai résumé pour la quatrième de couverture :

Un petit groupe de touristes, quelque peu « altermondialistes », part visiter les ruines du Mausolée, à Halicarnasse. Savent-ils ce qui les attend ? L'ont-ils pressenti? Toujours est-il qu'ils y découvrent – ayant mystérieusement traversé les siècles – un message de mesure et de philosophie de la Nature, qui anticipe largement sur la lumineuse pensée de Spinoza.

Bouleversés par l'actualité de ce message, nos "pèlerins" sont ressaisis par les interrogations essentielles de l’Humanité : existe-t-il une Harmonie que nous enseignerait la Nature ? La critique des religions dispense-t-elle de chercher un sens mystique à cet étrange phénomène que nous nommons l’Univers ? Un autre monde est-il possible si les peuples ne s’accordent pas, d’abord, sur la dimension spirituelle de l’aventure humaine ?

■ La part de la réécriture. L’histoire des « Pèlerins » d’Halicarnasse est donc une marche vers l’essentiel, qui se présente à la fois comme un cheminement « romanesque » (personnages, événements, atmosphères) et un cheminement philosophique (interrogations, dialogues, échanges épistolaires). À ces deux niveaux, j’ai retouché le manuscrit, dans la plus scrupuleuse fidélité. Il n’est pas facile de se couler dans la vision d’autrui, tellement on peut être tenté de projeter la sienne : il va de soi que, sans les échanges soutenus que j’eus pendant trois mois avec Jean-Pierre, je n’aurais pas été en mesure de respecter ses idées et interrogations, au point de les affiner ou fortifier en certains endroits (notamment dans la seconde partie du livre, constituée des courriers que s’envoient mutuellement les personnages). D’une certaine manière, il me fut plus facile de retoucher et « dynamiser » l’aspect littéraire de l’ouvrage (mise en scène, narration et « vie » des personnages), question de « métier » peut-être, mais aussi parce qu’il me semblait indispensable de lier la démarche philosophique au caractère existentiel de l’aventure humaine. Ce sera au lecteur d’en juger…

■ Réception. Les témoignages personnels que je reçois, de personnes connues ou inconnues, montrent que le message de Jean-Pierre Faye « passe » et nourrit la quête des lecteurs de bonne volonté. Le livre commence aussi à être recensé et recommandé par quelques revues : dans Alternatives non violentes, La Décroissance, Entropia, Silence !, et aussi dans Le Monde diplomatique, sous la signature de Bernard Ginisty, qui fut directeur de Témoignage chrétien. Il est vrai que le système de diffusion fort restreint des éditions L’Harmattan n’a pas permis encore à ce livre d’atteindre un plus large public, mais on peut espérer : après tout, ce texte mérite autant d’être lu qu’un ouvrage comme Nature et Spiritualité de Jean-Marie Pelt, paru peu après. L’avantage de n’être pas vraiment l’auteur d’un texte, c’est de pouvoir sans honte en dire tout le bien qu'on en pense ! Que les lecteurs me pardonnent : cet appel est désintéressé...
F.B.

vendredi 1 août 2008

Médiatiquement correct ! (1998-2004) 465 notes et maximes au dégoût du jour


■ Publication. Ce recueil a d’abord paru aux éditions Paris-Méditerranée en janvier 1998, puis, augmenté de 200 maximes, aux éditions Parangon en septembre 2004. Dans l’un et l’autre cas, le succès n’a pas été au rendez-vous, - c'est un euphémisme… Je ne renie pas pour autant cet ensemble, dont la « Quatrième de couverture » donne l’avant-goût que voici :

« Face à un monde qui détruit ses repères pour leur substituer des idoles, la liberté de l’esprit sera iconoclaste ou ne sera pas. Il nous faut sans vergogne faire le ménage :

● Aide au tiers-monde : L’homme est une louve pour l’homme.
● Communauté internationale : Instance morale qui s’émeut des violations des Droits de l’Homme partout où celles-ci freinent le libre accès au pétrole.
● Économie : Une des rares sciences exactes capable de prévoir ce qui devait se produire, une fois que c’est arrivé.
● Gouvernance française : Train-train à grande vitesse.
● Intellectuel en vue : Intermittent de la lucidité.
● Logique patronale : Compenser les gains de productivité par un allongement de la durée du travail.
● Maison de retraite : Se dit de certaines morgues non encore climatisées.
● Placement humanitaire : À vous la cerise. À nous le gâteau.
● Réalisme de gauche : Trahison des promesses sociales par fidélité aux objectifs sociaux.
● Sociale politique : Il convient de tout donner à ceux qui n’ont rien, sans rien prendre à ceux qui ont tout.
● Vengeance américaine : Oil pour oil, dent pour dent. »


■ Genèse. J’ai toujours apprécié les moralistes et leurs aphorismes, y compris lorsque ceux-ci affectent de célébrer ce qu’ils dénoncent pour en montrer l’absurdité ou l’horreur. C’est ainsi que Montesquieu, usant de l’ironie, stigmatise l’esclavage des Nègres en le « justifiant » par des formules d’un racisme caricatural comme celles-ci : « Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête […] On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir » Je puis citer aussi Racine, qui fait dire au juge Dandin à propos du spectacle de la torture : « Bah ! Cela fait toujours passer une heure ou deux »

Dans les Mémoires d’un futur président, m’autorisant de ces modèles, je prêtais à mon personnage des « citations » d’autant plus cyniques qu’elles jouaient à être candides ou humanistes, comme : « Entre l’injustice et l’impuissance, Messieurs, je choisis l’efficacité ! » ; ou encore : « J’ai toujours eu horreur de la violence aveugle : la nôtre était lucide. » Ayant accumulé au fil des ans un certain nombre de formules de ce genre, souvent inspirées de propos réellement prononcés par des responsables divers (à l’image du fameux « temps de cerveau disponible » de Patrick Le Lay), j’ai donc projeté d’en faire un recueil, avec la complicité des éditeurs. Ces « maximes » devaient amuser ou surprendre, de sorte que le lecteur y reconnaisse des mini modèles sentant la phrase connue, et faussement innocente. Je désirais produire des énoncés grinçants qui ne soient pas grincheux, mais toujours éclairants même lorsqu’ils paraissent exagérés. L’un de ceux-ci précise d’ailleurs mon intention : « Dans un monde où la bêtise est virulente, il nous faut rendre l’intelligence contagieuse »…

■ Du pessimisme littéraire. Je sentais le risque, en rassemblant ces aphorismes, de tomber dans le désespoir rhétorique qu’affectionnent certains littérateurs (Cioran n’en est pas exempt). Le message rebelle que l’on transmet n’est plus alors qu’un prétexte à faire des « mots d’auteur ». Je me suis donc permis de faire mon autocritique en guise d’avertissement. Voici donc ce texte, qui illustre la façon dont je « fonctionne » lorsque je réagis par l’écriture à l’actualité. Comme je l’expliquais au « Furet qui veille » (voir Itinéraire d’un écrivain 2), on est souvent conduit, pour être « positif », à « négativer le négatif » :

« AVERTISSEMENT

"Tu exagères. C’est trop commode. C’est injuste. Parfois malveillant. Tu es de mauvaise foi. " : tels sont les reproches que je m’adresse à moi-même lorsque, certains matins, je relis les notes et maximes que la mauvaise humeur m’a inspirées la veille. Alors, je corrige, j’atténue. Je modère mon propos, en écrivant « souvent », « quelquefois », « il n’est pas rare que ». J’adoucis un cri d’indignation en simple mot pour rire. Il m’arrive même de « positiver », et de me dire et redire, envers et contre tout, qu’il faut « croire en l’homme malgré l’homme. » Et ceci chaque matin, l’espace du matin.

Mais voici que le jour s’avance, avec son cortège d’atrocités et de jésuitismes qui les couvrent. Voici que reviennent les poncifs de l’actualité, les impératifs de soumission à l’époque, les dénis de vérité de la « communication correcte ». Les médias font croire qu’ils pensent, les chantres de l’économie font croire qu’ils savent, les acteurs politiques font croire qu’ils croient. Et le discours dominant s’enrichit au fil des heures d’expressions nouvelles, plus habiles les unes que les autres à justifier l’injustifiable, chaque jour plus consternantes que celles que je croyais caricaturer la veille.

Alors, partagé entre l’écoeurement, la colère et le « parti d’en rire », j’essaie de réagir pour respirer. Je me laisse reprendre par l’illusion que la parole solitaire peut suffire à pourfendre les bavardages du monde. Je cède à la posture du moraliste qui se flatte, en fustigeant la modernité, à la fois d’élever son âme et de sauver les hommes. J’ose le sarcasme salutaire et cynique, cette inversion de la naïveté riant enfin d’elle-même. Je « négative » pour contrer les négativités du Monde, au risque d’affecter le désespoir cinglant, seul moyen qui demeure de fuir la poisse du pessimisme ambiant – cette autre forme de démission…

Reste-t-il de l’injustice dans ces définitions et maximes « au dégoût du jour » ? Bien entendu ! Des affirmations risquées, aussi péremptoires qu’abusives ? évidemment. Des boutades trop commodes ? Sans doute, et c’est au lecteur qu’il convient maintenant d’en faire la part, prenant à son tour la distance qui s’impose à l’égard d’un auteur trop porté à la généralisation hâtive… »

N'est-il pas pertinent, pour conclure ce débat, de citer la devise empruntée par A. Gramsci à R. Rolland : « Il faut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté. » ?


F.B.

jeudi 31 juillet 2008

De l’Idéologie, aujourd’hui (2004-2005)



Sous-titré Analyses, parfois désobligeantes, du « discours » médiatico-publicitaire, ce livre a vu le jour aux éditions Parangon en février 2004. La nouvelle édition, augmentée d’une cinquantaine de pages, a suivi en octobre 2005.

■ Genèse et circonstances. Il m’est enfin arrivé un beau jour une chose étrange : un éditeur m’a commandé un livre ! Je venais de faire une intervention intitulée « Pour une société de frugalité », au colloque qui eut lieu à Lyon fin septembre 2003, sur le thème « objectif décroissance ». C’est alors que Bernard Delifer, des éditions Parangon, m’aborde et me déclare : « On aimerait publier un “François Brune” ». Pris de court, je réponds : « Mais… j’ai déjà tout dit ! » Il me semblait en effet que mes précédents essais, et la bonne douzaine d’articles de fond que j’avais publiés depuis dans Le Monde diplomatique, Casseurs de pub et diverses revues, avaient en quelque sorte épuisé ma veine. Que dire d’autre, sans tomber dans la fâcheuse pratique du « copier-coller » ? J’avais pourtant écrit un jour « La merveilleuse chance de la littérature, c’est qu’il n’y a pas seulement des choses à dire : il y en a surtout à répéter. » J’étais pris au mot !

À vrai dire, deux décennies d’alternance entre des livres engendrant des articles, et des articles débouchant sur des livres, m’inclinèrent à penser qu’il était peut-être temps pour moi de faire une nouvelle synthèse de mon propos. Certaines de mes interventions m’avaient conduit à approfondir, à partir d’exemples nouveaux, des points insuffisamment développés dans mes livres. J’appréhendais de mieux en mieux la réalité de l’omniprésence d’une même idéologie, à travers les multiples manifestations du discours socio-politique. Cela m’avait justement conduit à écrire pour le Monde diplomatique un article intitulé : « De l’idéologie, aujourd’hui ». Je repris donc ce titre, avec son éclairage, pour constituer non pas un simple recueil d’articles, mais un nouvel ouvrage ayant sa visée spécifique. Et me suis mis au travail, en revisitant et remaniant les textes que j’avais déjà publiés, et en en ajoutant de nouveaux (cf. les Chapitres : « Le Verbe à la radio », « Une éthique de la manipulation ? », « Ces événements qui n’existent pas », « Pensée unique et dogmatisation du réel »).

■ Un phase très militante. La publication de ce livre, le lancement de la revue La Décroissance, les manifestations « anti-pub » de 2004, les articles et interventions que je fus amené à faire en la circonstance, sans parler de certains « événements » fertiles en « discours dominant » (la mort du Pape, le tsunami, le faux attentat du RER D, le référendum sur le Traité Constitutionnel Européen), firent de ces années pour moi une phase d’écriture militante. Avec toujours cette double sensation : le bonheur de s’engager par des écrits qui marquent / la lassitude de se perdre dans de simples textes « de circonstance »…
Comme, dans la foulée, j’ai publié deux autres livres chez Parangon (Médiatiquement correct ! et L’Arbre migrateur, voir plus loin), et que ceux-ci ne soulevèrent pas l’enthousiasme des foules, j’avoue qu’en 2006 j’éprouvais une certaine fatigue d’auteur militant (fatigue due aussi au travail de révision que je venais d accomplir sur L’Intelligence de l’explication de texte, ouvrage signé « Bruno Hongre », que les éditions Ellipses m’avaient fait l’honneur de re-publier).

■ Textes et prétextes. Cette « fatigue militante » est sans doute l’occasion d’évoquer, en dehors même des articles où l’on vous demande de répéter vos thèses, la servitude que représentent les interventions orales qui font désormais partie du « métier d’auteur ». Il se trouve que, durant ces 7-8 dernières années, j’ai largement dépassé la centaine de conférences, « interviews » de fond, interventions dans des débats, etc. Au point d’avoir parfois l’impression que les textes que l’on a éprouvé le besoin d’écrire ne sont plus, aujourd’hui, que des prétextes à l’injonction de parler… Entendons-nous :
- D’une part, tout auteur responsable doit répondre de ce qu’il écrit. Publier, c’est aller au public. Il n’est pas bon que la communication ait lieu à sens unique, et qu’un écrivain – notamment un essayiste – prétende se dérober au « devoir d’échange », quelle que soit l’importance des publics. Et ceci, indépendamment de toute promotion commerciale, même s’il est difficile aux auteurs de n’y pas penser en se rasant… Ces échanges sont le plus souvent fructueux, ils peuvent déclencher des prises de conscience précieuses, et il est vrai que l’orateur peut ajouter à son message la chaleur de sa présence ou la valeur de son témoignage, non sans atténuer, préciser, compléter ou renforcer son propos. Encore faut-il que la « vie » du débat ou le « brio » de la conférence ne se substituent pas à la profondeur de l’analyse, à la spécificité de l’écrit.
- D’autre part, en effet, rien ne peut remplacer le texte. Sauf à lire ce qu’on a écrit, lorsqu’on intervient comme orateur, on est nécessairement plus imprécis, plus approximatif. Que la parole tente de séduire (par l’humour) ou de mobiliser (par la diatribe), elle n’a pas la pertinence de l’écrit. Lorsque l’on est invité à parler dans des milieux militants, on a parfois le sentiment d’être appelé à renforcer des préjugés critiques plutôt qu’à contribuer à des réflexions de fond. On s’imagine que l’on vient débattre d’un texte supposé déjà lu, alors qu’on attend de vous un résumé qui dispense de le lire. Si bien qu’en consacrant l’empire de l’audiovisuel, on se fait « consommer » en tant qu’intervenant-prétexte, alors qu’on croyait « donner à penser » à partir d’écrits longuement médités... Et le public (complice ?) méconnaît le livre au moment même où il vient écouter l’écrivain !
On comprend que ces impressions puissent engendrer une certaine lassitude. Il est temps de revenir à l'acte d'écrire...
F.B.

mardi 29 juillet 2008

Sous le Soleil de Big Brother (1983/2000), précis sur 1984 à l’usage des années 2000



La première mouture de cette étude a paru en décembre 1983, aux éditions Lettres modernes, sous le titre 1984, ou le règne de l’ambivalence. Il s’agissait pour moi d’analyser en profondeur le chef-d’œuvre d’Orwell, à l’encontre des interprétations superficielles qui, en le réduisant à un pamphlet anti-stalinien, le saluaient à l’époque comme un livre à la fois prophétique et dépassé.
En 2000, considérant Orwell plus actuel que jamais, j’ai donc repris et enrichi mon essai. Il me paraissait essentiel d’établir qu’en dépit de la faillite des pays de l’Est, le roman d’Orwell demeurait une illustration fascinante des phénomènes de pouvoir collectif. D’où les nouveaux titre et sous-titre que j’ai choisis pour procéder à cette nouvelle édition, chez L’Harmattan.

■ Genèse. Parmi les ouvrages essentiels du XXe siècle dont j’estimais devoir transmettre les « leçons » à mes étudiants, il y avait Le Meilleur des Mondes et 1984. Mon collègue et ami Paul Lidsky, au cours des années 1970, pratiquait de même. Ayant publié ensemble un « Jacques Brel », dans la collection « Profil d’une œuvre », chez Hatier, nous avons alors eu l’idée d’y faire paraître une présentation de « 1984 », à l’approche de cette date fatidique. Notre projet intéressa la direction éditoriale mais fut écarté par la direction commerciale, au motif (nous dit-on) qu’un livre intitulé « 1984 » serait démodé en 1985…

Paul renonça. J’aurais fait de même si le projet, ayant pris corps en moi, ne m’avait paru éminemment salutaire. Je me mis donc au travail, me sentant le désir et la capacité de « faire parler » cette œuvre qui me parlait, c’est-à-dire d’écrire un véritable essai sur 1984, et non une simple présentation du roman.
J’ai écrit rapidement, dans une sorte d’allégresse spirituelle, ayant le sentiment de rédiger le « meilleur » de mes livres, tant j’en avais mûri – depuis longtemps – la substance. J’étais tout à fait en phase avec Orwell, avec les éclairages qu’il apportait sur les jeux du pouvoir, des idéologies dominantes, et des servitudes complices.
En septembre 1983, le manuscrit était achevé. Il illustrait très exactement la thématique que je résumerai dans la quatrième de couverture de la version de l’an 2000, que je me permets de reproduire ici :

« L’homme est un animal de pouvoir. Il se plaît à discipliner (les corps), à normaliser (les consciences), à terroriser (les âmes). À séduire pour manipuler, à surveiller pour punir, à toujours réduire l’autre pour le mettre à la merci de soi.
L’homme est un animal de pouvoir collectif. C’est au sein de hiérarchies, de castes ou de classes, qu’il légitime son désir d’écraser. C’est à l’abri d’identités collectives qu’il s’offre les sombres plaisirs de l’intolérance majoritaire. C’est au cœur d’organisations, fussent-elles militantes, qu’il apprend la hiérarchie (au nom de l’Égalité), la répression (au nom de la Liberté), et la haine (au nom de la Fraternité). « On n’établit pas une dictature pour sauvegarder une révolution, on fait une révolution pour établir une dictature » (Orwell).
Impérialismes et consensus se prêtent main-forte. La « servitude volontaire » a pour secrète jouissance de prendre part à l’oppression du système. Le minoritaire qui rallie l’écrasante majorité justifie la tyrannie du nombre. Volonté de puissance et pulsion de soumission, inscrites au cœur de l’être humain, aboutissent toujours à la déshumanisation de l’homme.
Face aux pouvoirs qui nous menacent, ou qui nous tentent, l’auteur de 1984 nous engage au devoir d’irréductibilité.
Demeurer rebelle reste le seul moyen de demeurer humain… »

Et demeurer humain conduit le plus souvent à demeurer rebelle…

■ Odyssée… Mon livre a failli sombrer avant de prendre la mer. Pensant qu’il n’avait vraiment de chance d’être lu qu’en paraissant courant 1984, j’avais pris contact avec le directeur de la collection Idées, François Erval, au mois de juin 83. Celui-ci me dit son intérêt, et je crus qu’il s’engageait. En septembre, je lui dépose donc le manuscrit. Il me fait attendre. Je le rencontre, il me parle vaguement de mon travail, me dit de revenir. En octobre, même scénario. Je comprends alors que ce Monsieur, qui dispose chez Gallimard d’un bureau personnel dont il a la clef, n’est plus qu’un homme de lettres paresseux, qui ne lit pas les manuscrits, mais se plaît à faire tourner les auteurs autour de lui. J’alerte alors Antoine Gallimard, qui fait le nécessaire pour que l’on me rende mon texte, auquel d’ailleurs il manque des pages égarées par F. Erval, les seules qu’il ait sans doute emportées chez lui pour les lire. Il ne me reste plus qu’à reprendre la course aux éditeurs ! J’ai perdu six mois.
Mon manuscrit atterrit bientôt chez Minard, éditeur universitaire (Archives des Lettres modernes). Celui-ci retient le livre et s’empresse de le publier, pour la bonne raison que 1984 figure cette année-là au programme de l’agrégation d’anglais. Mon texte bénéficiera donc d’un succès satisfaisant, quoique purement universitaire. À noter que cet éditeur lui aussi joue à l’homme de pouvoir qui décide du sort des auteurs, et refuse, non seulement de leur acquitter des droits, mais de les informer même du devenir de leurs livres. Je devrai lui envoyer l’huissier pour obtenir gain de cause, et savoir que mon texte se sera écoulé à près d’un millier d’exemplaires. Je livre ici ces anecdotes dans la mesure où elles peuvent édifier les auteurs en herbe…

■ Situation actuelle. La double page qu’Ignacio Ramonet et moi-même avons publiée sur Huxley et Orwell dans le Monde diplomatique d’octobre 2000 a naturellement valu une certain nombre de lecteurs à mon « Précis sur 1984 ». Cela m’a également conduit, une fois de plus, à faire quelques interventions et articles. Je suis très heureux d’avoir peut-être franchi, depuis bientôt 25 ans, le cap des trois mille livres vendus. Cependant, j’ai l’immodestie coupable d’estimer que ce n’est pas assez. Non pas par appât du gain, bien sûr, mais parce que j’ai donné dans ces pages quelques éléments essentiels de ce qui constitue mon « humanisme », ma « foi en l’homme malgré l’homme » ou encore, si j’ose reprendre la précieuse formule de J. Brel, « cette forme d’amour qui me tient debout dans la vie ». Je me permets de renvoyer en particulier à ma conclusion (– le « pour quoi » du livre –), dont le texte a été repris dans la double page du Monde diplomatique dont je parlais ci-dessus, sous le titre « Rebelle à Big Brother ». Je n’en renie pas un mot.

N. B.
Il se trouve que, depuis peu, les éditions L’Harmattan ont signé avec « Google livres », un contrat qui permet de publier sur Internet environ 10% de chaque livre, avec quelques précisions qui permettent au visiteur de se faire une idée du contenu et du message. Sous le Soleil de Big Brother et « Les Médias pensent comme moi ! » ont fait l’objet de ce traitement. Je dois dire que je suis partagé sur cet état de fait :
- D’une part, cette saisie étant faite de façon aléatoire, les pages sont choisies au hasard, sans être mises en perspective avec le sens général du livre. Les extraits des supposés "meilleurs passages" ne font pas la distinction entre ce qu'écrit l'auteur de l'ouvrage et les citations qu'il fait d'autres écrivains. Les titres sont parfois mal typographiés, et il se trouve des erreurs comme le fait de faire passer pour "Quatrième de couverture" l’une des pages finales de l'ouvrage (mais pas la bonne !). Cette impossibilité pour l'auteur d'intervenir sur ce que l'on fait de son texte n'est d'ailleurs pas étrangère à la décision que j'ai prise de présenter moi-même mes oeuvres sur ce site.
- D’autre part, il faut bien constater que les aléas de l’édition et l’impéritie de certains éditeurs font qu’une certain nombre de livres, bien qu’officiellement « publiés », sont hors de portée du public qui en ignore l’existence (distribution insuffisante ; mise en place invisible dans les rayons des librairies ; silence des critiques ou des médias). De ce point de vue, l’existence de Google Livres est une bonne initiative, dans la mesure où elle offre aux lecteurs la possibilité de prendre connaissance, en les « feuilletant », de livres dont c’est la seule chance d’être (re)-connus. Encore faudrait-il que les auteurs aient la liberté d’intervenir dans cette pratique pour en faire l’équivalent de la publication de « bonnes feuilles ».
F.B.